LES DÉFIS CACHÉS DU GÉNÉALOGISTE : ENTRE PATIENCE ET PERSÉVÉRANCE
- Fab Vara
- 3 mai
- 9 min de lecture
Dernière mise à jour : 4 mai
Faire de généalogie, ce n'est pas simplement collectionner des noms et des dates, c'est une quête patiente et exigeante, parfois semée d'embûches. Parmi les défis du généalogiste, l'une des plus frustrantes est celle de l'accès au sources. En tant que je généalogiste je me heurte régulièrement à cette réalité, notamment en Italie où les institutions freinent considérablement les recherches.
La généalogie, c'est aussi être confronté à l'incertitude. Au fil des recherches, certaines découvertes suscitent des interrogations. Personnellement, j'essaie toujours de trouver des réponses à chacune d'elles. Derrière tous ces noms, il y'a des vies, des drames, des secrets, des oublis, des erreurs.
Dans un premier temps, nous verrons à quel point l’accès aux sources peut être un véritable frein à la recherche, notamment dans certains pays comme l’Italie, où les obstacles sont nombreux et souvent décourageants. Nous aborderons les problèmes de fond, des pièges tout aussi redoutables : les erreurs, les homonymes et les secrets familiaux.
I - LA DIFFICULTÉ D'ACCÈS AUX SOURCES
Le premier obstacle majeur dans la recherche généalogique est l’accès aux sources. De nombreux documents, qu’il s’agisse de registres d’état civil, d’actes notariés ou d’archives paroissiales, sont parfois difficiles à localiser ou à consulter. Dans certains cas, ces archives ont été déplacées, abimées ou même détruites lors d’événements historiques tels que des guerres ou des catastrophes naturelles. La frustration de savoir qu’une piste prometteuse est inaccessible est une réalité récurrente.
En Italie, par exemple, les actes d’état civil antérieurs à 1866 sont très souvent conservés au sein des paroisses et n’ont pas toujours été numérisés, ce qui impose des démarches administratives complexes et des déplacements. Certains diocèses possèdent des archives pouvant aller jusqu'en 1550 ou plus tandis que d'autres n'auront que des archives de la période de la restauration (1815-1859) jusqu'à nos jours.
Par ailleurs, les paroisses sont très réticentes sur l'accès aux archives. Je me confronte souvent à cette réticence en Italie aussi bien dans le Nord que dans le Sud. Je fais face également à des coûts disproportionnés lorsque j'ai besoin ne serait-ce que d'un simple document d'archive.
Récemment j'ai fait la demande dans le Sud de l'Italie pour obtenir la fiche de matricule militaire d'un arrière grand-oncle. Malheureusement, rien n'est numérisé, je ne sais pas où il a fait son service. Je décide donc de faire la demande aux archives d'Etat en donnant toutes les informations en ma possession. Ce matricule militaire m'a été envoyé en format numérique, il tient sur deux pages et il m'a été facturé 14€. Ce qui en France est totalement gratuit et accessible depuis chez soi sur les sites des archives départementales.
Pour le compte d'un client, j'ai fait une demande concernant une personne en particulier. Je voulais obtenir l'acte de naissance, mariage et décès d'un de ses arrière-grands-pères. L'archive diocésaine en question voulait me facturer 30€ par acte soit 90€ pour les trois actes. Ce qui n'est pas rien pour une simple recherche sur un seul parent.
Pour conclure, les communes italiennes ne délivrent plus les copies intégrales ou extraits avec filiation. Elles ne délivrent que des certificats d'état civil. Ces certificats sont uniquement une preuve que telle ou telle personne est bien née ou morte dans cette commune. Elles ne délivrent ces certificats uniquement si on leur donne la date exacte de l'acte. L'accès à une copie intégrale nécessite un motif sérieux (procédure judiciaire, administrative..) et la généalogie n'est pas reconnue comme tel.
II - Les secrets de famille, les erreurs, les homonymes
A) Les secrets de famille
Pourquoi mes arrière-arrière grands-parents ne sont pas enterrés dans le même cimetière ?
Cette question, je me la suis posée pour un couple d'arrière-arrière-grands-parents. Lors de mes recherches, je découvre qu'ils ont eu six enfants, qu'ils ont toujours été mariés. Aucune trace de divorce. Et pourtant, mari et femme ne sont pas enterrés dans le même cimetière.
Je découvre que mon arrière-arrière-grand-père est enterré avec une famille inconnue aux bataillons. Je me lance donc à la recherche des personnes enterrées avec mon aïeul. Rien. Je remonte dans l'arbre, aussi bien en lignée directe qu'en lignée indirecte. Je vérifie les également si mon aïeul était un parrain d'une de ces personnes. Rien non plus.
Mon arrière-arrière-grand-mère quand à elle est enterrée dans un autre cimetière dans le tombe familiale de son père. On y retrouve ses parents, deux de ses frères et ses belles-soeurs.
Je décide donc de questionner les petits-filles qui ont respectivement 82 ans et 79 ans. C'est là que la première m'annonce qu'elle n'a jamais su qui était la famille dans la tombe de son grand-père, qu'elle ne s'est jamais posée la question. Je questionne la deuxième et elle m'apprend qu'il s'agit d'une tombe d'amis de la famille de son père. Je lui demande donc pourquoi. C'est là que j'apprends que la famille de mon arrière-arrière grand-mère était opposée à ce que mon arrière-arrière grand-père soit enterré avec eux. J'apprends également que mes arrière-arrière-grands-parents étaient violents entre eux au point de ne pas vouloir être enterrés ensemble. D'où l'importance des témoignages oraux de nos parents et grands-parents.
Un SDF de "bonne famille"
Je me suis posé la question concernant un fils d'une cousine germaine de mon arrière-grand-mère. La cousine germaine de mon arrière grand-mère avait deux enfants : Félix et Julien. La mère de Félix et Julien travaillait dans une épicerie et le père était gendarme.
L’histoire concerne Félix, né en 1914 et décédé en 1944, tué par les Allemands dans les Alpes-de-Haute-Provence. En explorant son passé, je découvre une jeunesse mouvementée : des articles des années 1930 rapportent plusieurs condamnations pour vols dans les Alpes-Maritimes et en région parisienne. Ces mêmes articles le décrivent comme un sans-domicile-fixe, ce qui m’a intrigué.
Pour comprendre, je décide de retrouver les descendants de Félix. Grâce aux réseaux sociaux, je trouve une petite-fille. Nous sommes de la même lignée : nos arrière-arrière-grands-pères étaient frères. Après lui avoir présenté mes recherches, elle me confie que son grand-père, qu’elle n’a jamais connu, avait été abandonné par ses parents, en particulier par sa mère (la cousine germaine de mon arrière-grand-mère). Cette dernière aurait porté toute son affection sur Julien, le deuxième fils, allant même jusqu’à être enterrée avec lui.
Une mère inconnue dans les actes de naissance
La soeur ainée de mon AA grand-mère, Thérèse VIGON était mariée à monsieur CARLIN Jean-Baptiste. Ils se sont mariés le 27 février 1897 à Nice. Ce mariage ne donne lieu à aucune naissance.
Pour compléter mes recherches, j'ai cherché la tombe de Thérèse. Elle est enterrée au cimetière de Caucade à Nice. Lorsque je me suis rendu devant sa tombe, je découvre qu'elle est enterrée avec une certaine famille VERANI. Sur cette tombe est inscrit le nom de Thérèse CARLIN. A ce moment précis, je pensais m'être trompé et avoir trouvé un homonyme de Thérèse VIGON mariée à CARLIN.
Quelques mois plus tard, je publie une photo de mon AAA grand-père François Victor VIGON (1852-1934) sur un groupe Facebook niçois intitulé "Comté de Nice et son histoire". Une personne répond à ma publication en disant qu'il s'agit également de son aïeul. Je lui demande sa lignée directe. Il me répond qu'il est un descendant de Thérèse VIGON (1879-1937), soeur ainée de mon AA grand-mère. Ce monsieur m'apprend que Thérèse a eu plusieurs enfants hors mariage avec son arrière-grand-père VERANI Antoine alors même qu'elle était toujours mariée à CARLIN Jean-Baptiste.
Thérèse VIGON décède le 14 septembre 1937 à Cannes, acte de décès dans lequel il est mentionné qu'elle est l'épouse de CARLIN Jean-Baptiste, toujours vivant.

B) Les erreurs volontaires ET INVOLONTAIRES
Je vais ma répéter, mais notre soucis permanent en généalogie est d'être sûr que votre aïeul est bien le fils de Monsieur X et Madame Y. Il faut donc rapporter le maximum d'informations.
Un recensement trompeur
L'été dernier pour le compte d'une cliente, j'ai effectué des recherches pour sa famille maternelle originaire de Vénétie ayant migré en région parisienne au début de années 1930. Ma cliente me livre toutes les informations possibles sur sa lignée directe et indirecte. Je retrouve un recensement de Gagny en 1931 concernant sa famille maternelle.

Dans ce recensement, on peut noter que POLESEL Attilio serait le père de :
POLESEL Sigismond
POLESEL Emile
POLESEL Antoine
POLESEL Joséphine
Et serait le grand-père de :
POLESEL Olivia
Ce n'est pas le cas pour POLESEL Joséphine. En effet, POLESEL Émile, le grand-père de ma cliente, est né en 1908, tout comme POLESEL Joséphine. À première vue, on pourrait penser qu'elle serait sa sœur jumelle. Cependant, cela ne peut pas être le cas, car il est clairement indiqué qu'Émile est né à Gaiarine, tandis que Joséphine est née à Parallo. Après vérification et concertation avec ma cliente, il s'avère que Joséphine n'est pas la sœur d'Émile, mais sa belle-sœur, mariée à Antoine.
Une épouse qui change de prénom sur les actes
Un autre point de vigilance des généalogistes est la modification des prénoms dans les actes. J'ai eu le cas concernant une arrière-arrière-grande-tante par alliance.


Acte de mariage de ICART Charles et DALAISE Augusta Emilie Clotilde en 1899.
Acte de vente de Charles ICART en 1928. Dans cette acte de vente, l'épouse de Charles est DALAISE "Yvonne."
Après vérifications, il s'agit bien de la même personne, seulement, elle était surnommée Yvonne (les notaires n'étaient pas très regardant à l'époque). Là encore, Yvonne aurait très bien pu être une soeur d'Augusta qui aurait contracté mariage avec son beau-frère après le décès de cette dernière. Une pratique très courante autrefois.
Une mère qui change de nom de famille sur les actes
Au cours de mes recherches personnelles, j'ai découvert un ancêtre, un arrière-arrière-arrière-grand-père nommé GUIDO Augustin. Il est né le 21 juillet 1856 à Tende de Antoine et BOIN Marguerite.
Il s'est marié pour la première fois le 5 juillet 1883 à Tende avec BONFRE Anne-Marie. L'acte de mariage confirme qu'il est bien le fils d'Antoine et BOIN Marguerite.
Sa femme décède le 24 juillet 1898.


Il se remarie le 10 novembre 1899 avec GUIDO Jeanne. Dans cet acte, il est indiqué qu'il est le fils d'Antoine et de CABAGNO Marguerite.
Est-ce une simple erreur ?
Il décède à 86 ans le 17 décembre 1942 à Tende. Son acte de décès mentionne également qu'il est le fils d'Antoine et de CABAGNO Marguerite.


Tout d'abord, j'ai vérifié qu'il n'existe pas de jugement rectificatif de l'état civil de BOIN Marguerite. J'ai ensuite vérifié que BOIN Marguerite ne s'était pas remariée après 1873, année du décès de son mari GUIDO Antoine, avec un certain monsieur CABAGNO. Je n'ai rien trouvé à ce sujet non plus.
J'ai donc recherché l'acte de baptême de BOIN Marguerite. Elle a été baptisée le 10 juin 1833 de François et SERRATORE Jeanne (comme mentionné dans l'acte de naissance de son fils GUIDO Augustin). L'acte de mariage entre BOIN Marguerite et GUIDO Antoine existe bel et bien. Ils se sont mariés le 19 août 1856, un mois après la naissance de leur fils Augustin (cas assez rare pour l'époque). Cet acte me confirme bien qu'elle est la fille de François et SERRATORE Jeanne.
Enfin, j'ai cherché l'acte de décès de BOIN Marguerite dans les registres de Tende entre 1873 (date de décès de son mari) et 1935. Je ne l'ai pas trouvé. Je n'ai pas trouvé non plus dans les villages voisins. Aucune trace de testaments non plus. J'ai effectué les mêmes recherches pour CABAGNO Marguerite. En vain.
J'ai finalement accordé ma confiance aux actes de naissance/baptême, les seuls documents pouvant faire foi. Augustin est bien le fils de BOIN Marguerite et non de CABAGNO Marguerite.
C) LES HOMONYMES
Les homonymes sont monnaie courante surtout dans les villages italiens. Il faut savoir qu'en Italie, nos ancêtres n'étaient pas créatifs pour nommer leurs enfants. Vous aurez très rarement un ancêtre avec un prénom, un deuxième et/ou troisième prénom. Voici un aperçu des tables de mariages à Vernante (Province de Cuneo)


Dans ce village, on remarque une très faible diversité des noms de famille : DALMASSO, CORDERO, GIORDANO, CARLETTO, BERTAINA, PETTAVINO, BODINO, VIALE, et VALLAURI. Cela conduit souvent à des mariages entre membres de ces mêmes familles, ce qui peut compliquer considérablement la recherche généalogique.
Par exemple, je suis l’arrière-arrière-arrière-arrière-petit-fils de DALMASSO Nicolao et VALLAURI Maddalena. En recherchant leurs enfants, je suis tombé à plusieurs reprises sur trois autres couples portant exactement les mêmes noms, ou des variations comme Maria Maddalena, vivant à la même période !
Alors, comment s’y retrouver ? La filiation seule ne suffit pas toujours. Il faut être très attentif à plusieurs détails : l’âge des parents au moment de la naissance de leurs enfants, leur hameau d’origine, et il est crucial de comparer avec les informations déjà en votre possession.
Pour faciliter l’identification, ces villages italiens ont fini par attribuer des surnoms aux familles, afin de mieux les distinguer. Un exemple concret concerne les DALMASSO. Dans chaque acte de décès, on retrouve non seulement le nom et le prénom de la personne, mais aussi sa filiation et un surnom souligné pour identifier précisément la branche familiale.




En 1887, toujours dans les DALMASSO, on peut noter la naissance de :
Anna de Nicolao
Nicolao de Nicolao
Maria de Nicolao
Maria de Nicolao
Nicolao de Carlo
Nicolao de Antonio
Margerita de Nicolao
Lucia de Nicolao
Ou encore :
Giacomo de Thomas
Giacomo de Giacomo
Matteo de Giacomo
Maria de Giacomo
Giacomo de Giacomo
Lucia de Giacomo

